Muongo wa Shabahanga Jean-Pierre, l’un des grands notables du Nord-Kivu et du territoire de Masisi, a effectué une visite à Sake, dans le groupement Kamuronza, ce mercredi 11 décembre 2024. L’objectif de cette visite était de s’imprégner de la situation de cette agglomération de la chefferie des Bahunde, confrontée à de multiples défis, notamment des incendies récurrents et une insécurité persistante due à la guerre du M23. Cette situation empêche les déplacés, hébergés dans des sites autour de Goma, de regagner leurs foyers.
Pour mieux comprendre l’ampleur des problèmes, Jean-Pierre Muongo s’est rendu dans différents quartiers de Sake touchés par des incendies. Parmi eux, le quartier Birere, situé non loin de la paroisse catholique, ainsi que le quartier Kaduki, où un incendie a ravagé une dizaine de maisons le mardi 10 décembre. Ces incendies ont détruit près de 300 maisons depuis février dernier.
Sur place, il a exprimé sa profonde consternation : « C’est un spectacle désolant, désolant parce que, il n’y a plus personne. Sur les collines, il y a des positions militaires qui empêchent à la population de revenir. Entre-temps, des vastes vides qui durent déjà depuis presque un an, on a incendié des maisons, on a vandalisé d’autres, et je ne sais pas si lorsque les gens vont revenir ce qu’ils vont trouver, s’ils reviennent. Mais il est impératif que cette guerre s’arrête. ».
Des déplacés présents sur les lieux ont profité de la visite de ce notable pour interpeller les autorités : « Des maisons ont été incendiées, nous avons fui et nous manquons de l’aide. Nous pleurons, mais aucune assistance toujours. Au lieu de tout faire pour nous permettre de rentrer chez nous, on tue des gens, on incendie des maisons. Nos autorités trouvent vraiment normal que nous continuions à croupir dans une telle misère ? Aucun M23 n’est déjà arrivé à Sake. Ce sont les nôtres qui sont ici, alors comment expliquer ce qui se passe ? », s’interroge une déplacée dont sa maison a été incendiée.
Jean-Pierre Muongo a également visité le centre de santé Sake Afia, qui continue de fonctionner tant bien que mal pour soigner les quelques habitants restants. Malheureusement, le constat est accablant : le matériel médical a été soit emporté, soit vandalisé. Les batteries d’alimentation solaire, les kits médicaux et même le lit d’opération chirurgicale ont été volés, rendant la prise en charge médicale extrêmement difficile.
La société civile locale, par la voix de son président Muisha Busanga Léopold, salue cette initiative et demande à d’autres notables à suivre cet exemple. Cet acteur de la société civile y voit une reconnaissance des souffrances endurées par la population de Sake.
Après Sake, Jean-Pierre Muongo a visité les camps de déplacés autour de Lushagala, dans la localité de Kimashini. Ces sites abritent des centaines de milliers de personnes vivant dans des conditions déplorables, marquées par le manque de vivres, d’eau potable et d’abris adéquats. À cette occasion, il a rappelé que la résolution de la crise humanitaire et la fin de l’occupation du territoire sont des préalables indispensables à toute réflexion sur la révision constitutionnelle :
« Vous voyez, un pays c’est comme un corps humain. Si le bras est malade, il fait mal à tout le corps. Si le corps n’a pas mal, ce qu’il a été drogué et après la drogue il faut se décider s’il faut soigner le bras ou bien s’il faut le couper. Ici nous sommes dans ce bras-là. On ne peut pas accepter que, pendant que des centaines de milliers de citoyens soient dans des situations misérables dans les sites de déplacés et qu’on reste dans une occupation territoriale et la souffrance de la population, certaines personnes à Kinshasa se donnent le luxe de discuter constitution avant d’avoir résolu ce problème. C’est impératif d’abord de résoudre ce problème avant de parler de quoi que ce soit sur les modifications des lois parce que les lois dans leur esprit, elles ne peuvent s’appliquer si jamais une partie du territoire et une partie de la population sont dans cet état. C’est impossible, il faut que ça cesse. », déclare-t-il.
La visite de Jean-Pierre Muongo met en lumière l’urgence d’une mobilisation concertée pour répondre aux multiples crises qui frappent Sake et ses environs. Elle souligne également la nécessité d’une implication accrue des autorités pour alléger les souffrances des populations affectées et garantir leur dignité.
Jérémie Kabali